Pleurez! Pleurez tous!! Ingmar nous a quitté
Rarement cinéaste ne m'a donné autant d'émotions, de matière à faire vibrer mes cellules grises, de joie et d'angoisse. Je me souviens du premier film que j'ai découvert. Ce fut une expérience inoubliable. Deux soeurs voyagent. On ne sait d'où elles viennent, on ne sait où elles vont. Toutefois, elles doivent s'arrêter dans leur périple: l'une des soeurs est malade. Qu'importe là où elles s'arrêtent, l'essentiel c'est la rupture, elles se re(posent). C'est ainsi que commence un autre long voyage : celui du du passé de ces deux soeurs. Les choses vont s'obscurcir et s'éclairer en même temps. Dans la douleur. C'est avec le minimum qu'Ingmar va réussir à atteindre l'essentiel, la douleur, la vie, les rapports humains. J'ai été profondemment boulversé par ce film. Et à chaque fois que je verrai un de ceux-ci, ce fut une révélation. Je me délectais à chaque visionnage. Je choisissais avec attention à quel moment je me permettais de voir un film : durant la journée? la nuit? Fait-il beau? Pleut-il assez? Suis-je en état d'en voir un? Est-ce que je mérite d'en voir un? Et au fur et à mesure de ces visionnages, se dévoilait devant moi une oeuvre. Oui une vraie oeuvre, à l'instar d'un Alfred ou d'un Claude. Il s'agit toujours de la même chose, inlassablement. Mais répété à l'infini par des varations subtiles. Des mêmes choses même si parfois différentes. Quelle peut être cette chose qui peut se répéter à l'infini en ne s'épuisant jamais et qui permet de créer des chef-d'oeuvre à chaque fois? C'est la vérité. Ingmar à décidé non seulement de ne pas faire l'impasse sur la vérité comme cause, mais également d'éclairer les rapports humains à la sublissime lumière noire de la vérité. Tout dans son oeuvre minimaliste éclaire les rapports complexes de cette vérité : vérité du couple, vérité du roman familial, vérité de l'homme se confrontant à lui-même, vérité face à la vie, vérité face à la mort.Et c'est uniquement à travers la vérité que peut s'éclairer les voiles obscures des relations humaines. Certes, cela n'est pas toujours facile, tout comme ces films. Mais avoir réussi pendant toute sa carrière à ne pas céder à son propre désir et à faire oeuvre, celà mérite respect.
Je suis triste, infiniement triste. Mais je lui rendrai hommage à chaque fois que je verrai un des ces films. Je lui rendrai hommage en brandissant cette vérité. En ne faisant pas l'impasse sur cette vérité. En ne cédant pas sur mon propre désir.
Bronstein