Venue d'une porte-parole Archangel...

Les Pluies la faisaient marcher dans les rues de sa citée. Elle aimait ça, errer sous la multitude de larmes divines, s'échouant sur son corps, dans un bruit assourdissant.
Mais ce n'était qu'une habitude après tout, et c'est sous cette pluie que Sarys se dirigeait vers la Caserne de l'Ordre des Lanciers Purs.
Les murmures d'une lyre tentèrent de la troubler, son regard était vide, et ses pas la dirigeaient, lentement, et sûrement.
Dans sa tête résonnaient encore les paroles du Lancier, entremêlées à ses rèves, rèves dont la lame créatrice avait laissé une belle cicatrice.
"Un souvenir de Mère", disait-elle.

La main coagulante effleura le bois vieilli de cette lourde porte massive.
Le bois avait mal, le temps jouait contre lui. "Le comble de nos vies", disait-elle. Les portes furent poussées, les éclairs fauchèrent le ciel de mille feux. L'Ire de la Dame ne portant qu'une Aile était pour ce soir ?
Non, rien de tout celà. Pourtant l'imagination de l'enfant allait bon train.
Le Vacarme des portes se refermant derrière elle annonça son arrivée. Des Hommes en armes la dévisageait, elle restait de marbre face à ces regards.


"Sarys, de la maison Archangel."
Les regards étaient assez étrange. Comme si la voix douce avait prononcé une malédiction dans un lieu saint, ou évoqué le nom d'un dragon oublié de presque tous, au point qu'il ne soit destiné qu'à faire peur aux enfants en bas âge.
Quelques gouttes continuèrent à ruisseler doucement sur sa coiffe offerte par son époux, avant de s'échouer sur le sol.
"J'en suis son porte parole."
Les regards restaient froids, tandis que Sarys, impassible, masquait le sien dans l'ombre de son Solomonk.

L'héritière Seregon Nenharma avança dans la caserne, et se dirigea vers les panneaux d'affichages, qu'elle relisait rapidement. Elle laissa échapper un sourire à la lecture de certains passages, son sourire était de glace, tout comme la voix de mâle qui s'éleva dans l'assemblée.

"Ces textes vous font rire, peut être ?
- M'avez-vous déjà entendu rire, Lancier ?"
La Voix de la larme était assez douce, mais si froide, que le soldat fut surpris d'une telle réponse, et laissa l'enfant poursuivre.

"Je vois des mots comme "extremistes", dans ces papiers.
Et cela me rappela mes lectures de vieilles archives de mon ordre, où l'on voyait des gens accuser une famille voulant unir Bonta d'extremiste...de fanatique...Selendil...oui..."

Sarys contemplait les affichages, comme si elle parcourait un vieux grimoires de contes et légendes de temps oubliés.
Un feu crépitait non loin de là, la jeune disciple de Dame Sacrieur l'admira un peu, avant de reprendre son discours.

...Mais pourtant, je vois des mots dignes de la maison Sendaril. Les Appels de fidèles faite par cette Dame, portés par des messagers du vent dans chaque maison de guilde, puis dans un refuge, crée dans un Sanctuaire en plein coeur de Bonta. Les Appels... Ne les entendez-vous plus ?

Son pas léger accompagnait ses paroles, le crépitement du feu, sa passion. Nul ne pouvait douter de la flamme qui l'habitait, encore moins quand elle ota sa coiffe pour que ses auditeurs puissent apercevoir son regard.

Moi...que dis-je... une poignée de fidèles... nous les entendons toujours. Oui, nos fameux évangiles, similaires à ces fameux appels, à ces fameuses paroles. Les connaissez-vous, Bontariens ?
Dans vos regards, je perçois l'étonnement. Dans le mien, vous percevrez mes souffrances. Et pourtant, quel que soient nos regards, différents, sur le monde, il y a une chose unique que nous trouverons dans nos coeurs.
Bonta.

L'enfant était accroupie, face aux flammes, si proche mais si loin, elles lui rappelait son père, et son regard de haine. Elles lui rappelait sa mère, et ses chansons. Des larmes coulèrent sur ses joues, mais sa voix ne changea pas.

Qui sommes-nous, après tout ? Nous ne sommes rien que des illuminés, ayant des valeurs présentes dans le coeur au point de lever une arme ou un bouclier pour elles. Que sommes-nous d'autre ? Des fous.
Des fous de croire que des idées valent mieux que d'autres, des fous de vouloir agir plutôt que de se complaire, des fous de vivre en respect à une pensée Angélique qui nous anime, des fous d'oser défendre la paix en levant les armes, contre les démons ou les déchus...
...Cette folie la... je l'appelle Amour.

Les regards, surpris de tels mots, étaient plus compréhensif et contemplatif, à contrario des premières secondes suivant son entrée.
Ses paroles remplirent à nouveau un silence.

..Cet amour qui autrefois, en a unit certains d'entre nous. Le temps a-t'il fait que nous ayons changé ? Je ne pense pas. Je vois toujours cette flamme dans les yeux de chacun, et nous, simples Archangels, n'avons jamais changé.
J'ai expliqué tant bien que mal, pourquoi il y avait eu des divergences, je crois que des amis et frères d'armes comme Ki, m'ont et nous ont compris. On ne revient jamais sur une parole.
Alors... Bonta, notre berceau spirituel à tous. Bonta, et l'épée Ailée ornant la maison Sendaril, méritent plus qu'un simple amour...mais bel et bien le respect de valeurs. Valeurs que nous respectons depuis toujours, et au nom desquelles nous fûmes recommandés comme guides vers cette spiritualité commune : Bonta, et son lot de valeurs.

Malgrès les murmures de son père faits à son esprit, Sarys se leva et remis sa coiffe. Ses yeux furent à nouveau masqués, mais pas ce qui en sortait. Les Larmes d'Earlinde coulait, mais le timbre de sa voix était toujours inchangé.

...Et être fidèle à nos valeurs, ce n'est pas une preuve de notre amour envers elle, et un profond respect envers Elle ?
"Fanatisme", "Extremisme", face à ces venins, c'est d'une et même voix que nous répondrons avec affirmation, car c'est notre mal le plus beau, celui d'être fiers à respecter et aimer une citée, ses valeurs les plus profondes, et ce depuis la création, jusqu'à notre mort à tous.
Sommes-nous extremistes ?
Bien sûr que non, les principes que nous défendons sont les mêmes que ceux de Bonta, et Selendill.
Sommes-nous fanatiques ?
Si être prêts à risquer nos vies pour protéger ces valeurs, c'est être fanatiques, alors oui nous le sommes.

Mais vous, qu'êtes-vous donc, si vous ne vous retrouvez pas dans ce que je viens de dire ?

Sarys était face aux portes, et regardait vers le plafond, puis le sol.
Elle inclina enfin sa tête vers le creux de son épaule, le regard perçant.


Nous sommes prêts à aider, mais pas à être utilisé.
Et Notre Ordre étant rejetté de certaines réunion, de l'information, puis voyant les accusations faites à notre Ordre, placardée sur ces tableaux, tout ceci est blessant...
Archangel et Bonta sont immuables, jamais nous nous en séparerons, pour rien au monde.
Sachez que je n'oublierai jamais ma promesse. Et que je resterai fidèle à mes paroles.
Et il en sera de même, pour l'Archangel.

Je prie ma déesse pour que vos grandes idées d'union et réunion semblables à Dame Silaisie trouvent leur effet escompté, et non pas l'éjection et l'aversion comme les évennements nous le rapportent.

Gloire à Bonta."

Elle se tut, et s'apprêta à partir.

Plus aucun bruit. Le Silence le plus total, que seul le feu osait troubler par son crépitement incessant.
Face à la porte massive, elle sourit, et s'éloigna loin de cette antre.

Le Commandant Clegane, assis dans un coin discret du Baraquement, observait la personne qui venait d'arriver. Il en allait de même pour toutes les autres, venues clamer, afficher ou mumurer leurs faits et pour certains, leurs hauts faits. Et après chaque expréssion, le Commandant hochait de la tête, en signe de compréhension, une étrange petite lueur amusé mais sans malice dans le regard. Beaucoup restait à faire, et pour continuer, il se levait et allait s'occuper de chaque arrivant.

L'émissaire du Saint Ordre des Archangels semblait troublée. Elle avait annoncé son titre, la raison de sa visite mais, soudain, une suite d'expréssions, les unes plus surprenantes que les autres, se dessinérent sur ses traits. Là où tout le monde semblait content, l'Emissaire, elle, semblait traverser les états de la curiosité, de la contrariété, de la perplexité et enfin d'une colére froide pour revenir en sens arriére. Un aller et retour qui était tellement horrible à voir sur un même visage et en aussi peu de temps que le commandant pris un peu peur et serra la main autour de la hampe de la Lance de l'Ordre.

Homme de raison et peu dupe des trames obscures du malin, le Commandant se disait que, sans doute, l'Emissaire Sarys avait du prendre un sérieux coup de froid en chemin ou carrément un coup sur la tête par un ours protégeant son miel. L'hypothése de l'ours semblait à écarter. Une dame aussi puissante et maligne ne pouvait décidement pas se laisser tabasser par un ours. Malade ? Oui, ca devait être cela : une fiévre délirante accompagnée de l'une de ces diarrhés devastatrices survenant après un temps de froid intense et humide. Le commun des soldats dans les camps militaires. Il haussa les épaules et se leva, en souhaitant que l'état de santé de la dame irait mieux, en plaise aux Purs.

Ecoutant les discussions et regardant l'ambiance de paix et de tranquilité régnant dans les lieux et se disant que l'Emissaire devait voir ce que, lui et tant d'autres, ne voyaient pas mais bien ce que " elle " devait voir de par sa terrible maladie, le Commandant frissonna. Il pleignit la dame et se promit de tout faire pour l'aider dans sa guerrison.

Ayant entendu les paroles de l'Emissaire, le Commandant allait prendre la parole quand il surprit l'air blasé du Gardien qui semblait partagé entre une sorte d'embaras et d'imatience. Il compatit et s'en alla néanmoins, d'un pas enjoué, vers l'Emissaire.

Arrivé sur place, il vit que la porte se refermait déjà. Réhaussant les épaules, il retourna à sa place alors qu'un dîner allait être servi aux visiteurs. Le Garde de la Lance semblait déjà de meilleure humeur et alors le commandant décida de rédiger une lettre à l'intention de l'Emissaire et la posa à l'entrée, au cas où.

Citation :

Dame Sarys,

Quel dommage que vous n'ayez pas pu rester davantage ! Je vous ai vu et pourtant je n'ai vu qu'une personne malade et blême. J'espère que vous allez bien. Avec ces rumeurs de peste trainant depuis les égoûts de Bonta, on est jamais sûr de rien. Tenez nous au courant, nous sommes tous vraiment inquietés.

Madame, j'ai attendu trois longues semaines mais je n'ai pas chômé entre temps. Je me suis renseigné, enquêté et observé. Votre Saint Ordre, Madame, est respecté, même si souvent incompris. Sans doute cela s'explique-t-il par le degré O combien subtil de votre "foi" que vous, et votre Ordre, cultivez et qui doit certainement dépasser celui du commun des citoyens de notre belle cité. Quelle chance devez vous avoir d'avoir une foi que vous prétendez bien supérieure à tout autre bontais.

Malheureusement Madame, je ne suis pas homme de foi. Je suis un soldat, juste un soldat. Je ne serai donc jamais visiteur des terres merveilleuses et terribles qu'imaginent vos visions de foi intense. Moi, je n'ai que ma lance, ma medecine et mon courage. Et ca m'a toujours suffit, par temps de guerre, de froid et à la chasse aux ours.

Pour votre Ordre et le mien , voiçi ma conclusion : vous y êtes les bienvenus quand vous le désirerez. Cependant, l'Ordre des Lanciers étant laïc, je vous demanderai de bien vouloir laisser en dehors des murs de notre Caserne l'enseignement de vos Evangiles, que nous respectons pourtant car tel est le principe de la laïcité : le respect des cultes, de tous les cultes, sauf du démonisme, cela va de soi. Le respect n'engage pas à l'adhésion madame, mais cela je ne vous le developperai pas au risque d'insulter votre brillante intelligence.

Madame, veuillez accépter mes respects et souhaite vous revoir bientôt.

Sarys était assise. Ses pieds dans le vide.
Son regard vers l'horizon. Une douce brise fit virevolter sa natte noire.
Une nouvelle aube.

L'Aurore illuminait petit à petit chaque pavé, chaque mur, chaque sourire de la Ville Blanche, et elle admirait.
Le Spectacle qui est sûrement le plus beau à voir en ce monde.

Ses mains sanglantes tenaient la missive qu'on lui avait porté.
Elle la lisait enfin.
Un sourire s'affichait sur son visage, après un long soupir.

A nouveau il feint de n'avoir compris que ce qu'il voulait entendre.

Le papier souillé fut froissé et jeté par dessus son épaule.
La brise le fit planer loin derrière l'Enceinte en haut de laquelle elle était assise. Le Papier se posa hors de Bonta.
Après tout, là était sa place.

Sarys, qui était debout maintenant, et contemplait.
Elle regarda le ciel si bleue s'étendant tout au-dessus d'elle.

Il sait par contre jouer avec la sémantique, cela doit être son unique talent. Dommage qu'au grès du temps il se contredise.

Sa natte se délia, et ses longs cheveux noirs défaits virevoltaient sur et derrière elle.
Son regard se détourna vers la magnifique Tour Blanche, puis la Tour des Ordres, et enfin la maison Sendaril.

Vous nous manquez vraiment, Dame Silaisie.